Depuis l’indépendance de la Mauritanie à nos jours, notre
système éducatif ou du moins les régimes qui se sont succédés n`ont jamais été intéressés
à former un citoyen modèle épris des valeurs républicaines. Avec l`avènement
des indépendances acquises sur fond de tensions entre les maures et les négro-mauritaniens,
une Mauritanie égalitaire dans laquelle tous ses fils heureux d`y appartenir et
d`y vivre semblait mort née.
Dans un article précèdent, nous avons tenté de donner les
contours, les subtilités, les antagonismes et les contradictions à la
construction d`un état souverain cherchant à cultiver l`unité nationale, la
cohabitation, la cohésion sociale et la justice sociale entre ses différentes
composantes ethniques.
L’éducation n’est pas l’affaire d’une seule entité mais
la synergie des efforts de toutes les parties prenantes impliquées. J’aimerai
rappeler qu’un système éducatif est une lourde machine et que si cette machine
est grippée, sa réorientation demande du temps. Vouloir ou promettre réorienter
sa trajectoire dans 3 ou 4 ans ne serait que manipuler ‘ les signes extérieures
’ou traiter les symptômes.
Nous pensons que la seule chose ou tous les Mauritaniens
parlent d`un même langage et sont d`accord là- dessus est ``l`échec du système éducatif``.
Le pouvoir et l`opposition s`accordent à dire que le système éducatif est
agonisant pour ne pas dire dans un état comateux. Tous les mauritaniens
ont fait et ont accepté ce diagnostic de façon sincère et objective mais là où
le bât blesse c`est dans la recherche des solutions pratiques, égalitaires,
pertinentes, efficientes, efficaces, durables pour ne pas dire définitives et consensuelles
pour enfin mettre notre système éducatif sur les rails de l`équité, de la
pertinence et de qualité.
Même dans un pays composé d`une même race ou d`une même
ethnie, ses citoyens ont besoin de dialogue et de concertation pour arriver à
un consensus sur des questions qui relèvent du fondement même de leur nation.
Je suis persuadé que la priorité dans tout système éducatif
est la question linguistique càd la langue dans laquelle il faut enseigner et cette
question doit être réglée pour de bon dans notre pays pour aller de l`avant.
Quand on parle d`un système éducatif, la langue n`est autre qu`un instrument ou
un outil mais incontournable d`acquisition des connaissances et du savoir.
Dans un pays comme la Mauritanie, un pays multi-ethnique
et multiculturel, toute solution linguistique qui ne chercherait pas à
donner les mêmes chances à tous les enfants dès le départ est vouée à l`échec.
Pour des questions d`équité, chaque enfant mauritanien doit commencer l`école dans
sa langue maternelle. Il faut que tous les enfants mauritaniens de tout
bord commencent l`école avec les mêmes
chances de réussite. Même la dernière réforme du système n`a pas résolu ce problème
car tous les enfants commencent avec la seule langue Arabe comme langue
d`instruction et que c`est en deuxième année que le français est introduit et
les langues nationales PULAAR- SONINKE et WOLOF restent absents dans le
système.
L`enfant négro-mauritanien est lésé dès le départ car
l`Arabe ne constitue pas sa langue maternelle alors qu`elle l`est pour l`enfant
maure et pire encore en deuxième année s`ajoute le français qui est une langue étrangère
pour lui et pour l`enfant maure. Par là nous ne voulons pas dire que l`enfant
négro-mauritanien ne doit pas apprendre l`Arabe ou être enseigné en Arabe mais
nous voulons dire qu`il doit avoir la chance de commencer avec sa langue
maternelle comme l`enfant maure commence l’école dans sa langue maternelle
durant le cycle fondamental. Il faudra aussi généraliser le préscolaire pour y
enseigner nos enfants avant l’âge de scolarisation, le coran et les fondements
de l’Islam.
Il faut qu’une
solution durable pour ne pas dire définitive soit trouvée afin d’enterrer les
tares et de nombreuses casseroles que nous continuons à trainer soit tous les
enfants mauritaniens puissent se comprendre dans une seule et même langue ou
chacun comprenne la langue d’autrui. Pourquoi dans les réunions, il faudra
utiliser seulement la langue Arabe ou faire recours au Français pour la
traduction? Pourquoi chacun ne peut s’exprimer dans sa langue maternelle pour
s’adresser au reste et être compris?
Les détracteurs de ces idées diront où la Mauritanie
puiserait les ressources humaines et financières pour introduire les langues
nationales dans le système en procédant d`abord par former les enseignants, développer
le matériel pédagogique et élaborer les programmes ? Je dirai que d`énormes
ressources ont été investies dans des sociétés familiales ou tribales sans
aucun rendement pour la Mauritanie et que chercher des ressources financières
soient locales ou avec les partenaires financiers pour les investir dans
l`enseignement de ces langues couterait moins cher que de laisser cette plaie béante.
La réhabilitation de l`école publique pour qu`elle
devienne plus républicaine comme jadis quand l`enfant du pauvre et celui du
nanti fréquentaient la même école, s`asseyaient sur une même table banc,
enseignés par un même enseignant et suivaient un même programme national est la
gage de réussite pour nos enfants et par ricochet pour notre pays.
Nous assistons aujourd`hui à une élite issue des enfants
des nantis qui sont soit envoyés à l`étranger pour y étudier ou dans des bonnes
écoles privées en Mauritanie ou les écoles dites d`excellence pour avoir des
bons diplômes et occuper des postes de responsabilités. L`enfant du pauvre est abandonné
dans les écoles publiques devenues des lieux de débauche, de délinquance etc….
L’enseignement doit être publique, gratuite et de qualité
pour tous les enfants. Avec la démographie scolaire actuelle, même si l’état
doit faire recours aux écoles privées pour scolariser tous les enfants, ces
écoles publiques qui poussent comme des champignons et qui constituent un
manque à manger pour beaucoup d’enseignants doivent avoir des enseignants
propres à elles. Comment l’état qui avec les moyens colossaux a formé de très bons
enseignants et aujourd’hui les laisse aux mains des commerçants ou certains
quittent le métier pour d’autres carrières plus lucratives faute de moyens et
valorisation. Pourquoi l’état ne rehausse de façon substantielle les salaires
des enseignants pour arrêter cette hémorragie vers les écoles privées ou vers
d’autres carrières plus payantes ?
La deuxième chose qu`il faudrait revoir pour sauver notre
système éducatif est la pertinence des formations fournies à nos enfants. Les
programmes enseignés doivent répondre non seulement au besoin du marché
national du travail mais aussi à l`échelle international pour former un
mauritanien capable de vendre ses compétences sous d`autres cieux d’où
l’enseignement des langues étrangères à partir du secondaire comme des langues d’ouverture.
Les programmes doivent être orientées vers les grands pôles de l`économie
nationale et que notre université cesse d`être un projet mais un établissement capable
de former les étudiants dans le domaine des mines, de l`agriculture, de l`élevage,
de pèche, de l`énergie, de la médecines etc… il faudra commencer à investir davantage
dans le capital humain, le meilleur des investissements car les compétences des
citoyens d’un pays sont les seules à garantir son succès pour accéder au
concert des nations.
Une composante non la moindre est d`aller vers la qualité
des apprentissages. Il faudra revoir le pilotage du système à haut niveau,
mettre les hommes qu`il faut à la place qu`il faut. Investir dans la formation
initiale et continue des enseignants et s`inscrivant dans la durée. L`allègement
des programmes éducatifs pour ne pas trop surcharger les enfants par là nous évoquons
le nombre des matières à enseigner. Des écoles à cycle complets doivent être la
règle. Des programmes enseignant la citoyenneté, l`unité nationale, la cohésion,
la diversité culturelle et ne pas favoriser une culture sur une autre. Investir
davantage dans les cantines scolaires ou internats qui ont contribué jadis à un
taux de réussite frôlant les 100% de même que le taux de rétention.
Mettre
l`enseignant dans de bonnes conditions pour ne pas aller chercher le manque à
gagner pour arrondir les fins des mois. Impliquer de façon effective la famille à travers les associations des parents d`élèves.
Privilégier et généraliser par la suite le préscolaire et l`éducation de base.
Investir davantage dans la formation professionnelle pour accueillir les
enfants en déperdition scolaire entre autres…
Un autre point non négligeable est la révision de notre
état civil afin que tous les enfants mauritaniens puissent avoir leur premier
droit de l’enfant càd avoir un acte de naissance. Ce droit de l’enfant doit
être respecté et cela lui ouvrira les portes de l’éducation car un enfant sans
acte de naissance est poussé vers la déscolarisation. Il ne faut pas que notre
état civil fasse des enfants mauritaniens des apatrides.
C’est avec les recommandations ci-dessus qui sont loin
d’être exhaustives que nous arriverons à refonder notre système éducatif loin
des tiraillements extrémistes des deux bords et loin des courants idéologiques
que nous allons poser les jalons d’un état de droit et d’une justice sociale
gage de l’unité nationale et de la cohésion sociale et par ricochet la bonne
cohabitation. Cette unité nationale ne serait effective si notre système
éducatif continue à être politisé et instrumentalisé par les marchands de la
politique politicienne qui ne cherchent qu’à diviser la Mauritanie car leurs
compétences ne leur permettent point à élaborer un projet de société commun
pour tous les mauritaniens sans distinction de race, ni de couleur, ni
d’ethnie.
L’islam constitue
notre socle commun et un acquis pour l’unité nationale mais il ne garantit pas
la stabilité dans le pays car nous avons des exemples dans le monde qui ne
finissent pas où le pire a eu lieu malgré cette appartenance à cette même
religion. Nous ne pouvons pas concrétiser cette unité nationale si notre
système éducatif n’est pas unifié, gratuit, équitable, obligatoire, pertinente,
durable et de qualité et si notre système éducation continue à renforcer
davantage les inégalités sociales.
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