vendredi 7 octobre 2016

Poser les jalons de l’unité nationale et de la justice sociale en Mauritanie

Depuis l’indépendance de la Mauritanie à nos jours, notre système éducatif ou du moins les régimes qui se sont succédés n`ont jamais été intéressés à former un citoyen modèle épris des valeurs républicaines. Avec l`avènement des indépendances acquises sur fond de tensions entre les maures et les négro-mauritaniens, une Mauritanie égalitaire dans laquelle tous ses fils heureux d`y appartenir et d`y vivre semblait mort née.
Dans un article précèdent, nous avons tenté de donner les contours, les subtilités, les antagonismes et les contradictions à la construction d`un état souverain cherchant à cultiver l`unité nationale, la cohabitation, la cohésion sociale et la justice sociale entre ses différentes composantes ethniques.
L’éducation n’est pas l’affaire d’une seule entité mais la synergie des efforts de toutes les parties prenantes impliquées. J’aimerai rappeler qu’un système éducatif est une lourde machine et que si cette machine est grippée, sa réorientation demande du temps. Vouloir ou promettre réorienter sa trajectoire dans 3 ou 4 ans ne serait que manipuler ‘ les signes extérieures ’ou traiter les symptômes.

Nous pensons que la seule chose ou tous les Mauritaniens parlent d`un même langage et sont d`accord là- dessus est ``l`échec du système éducatif``. Le pouvoir et l`opposition s`accordent à dire que le système éducatif est agonisant pour ne pas dire dans un état comateux. Tous les mauritaniens ont fait et ont accepté ce diagnostic de façon sincère et objective mais là où le bât blesse c`est dans la recherche des solutions pratiques, égalitaires, pertinentes, efficientes, efficaces, durables pour ne pas dire définitives et consensuelles pour enfin mettre notre système éducatif sur les rails de l`équité, de la pertinence et de qualité.
Même dans un pays composé d`une même race ou d`une même ethnie, ses citoyens ont besoin de dialogue et de concertation pour arriver à un consensus sur des questions qui relèvent du fondement même de leur nation.
Je suis persuadé que la priorité dans tout système éducatif est la question linguistique càd la langue dans laquelle il faut enseigner et cette question doit être réglée pour de bon dans notre pays pour aller de l`avant. Quand on parle d`un système éducatif, la langue n`est autre qu`un instrument ou un outil mais incontournable d`acquisition des connaissances et du savoir.
Dans un pays comme la Mauritanie, un pays multi-ethnique et multiculturel, toute solution linguistique qui ne chercherait pas à donner les mêmes chances à tous les enfants dès le départ est vouée à l`échec. Pour des questions d`équité, chaque enfant mauritanien doit commencer l`école dans sa langue maternelle. Il faut que tous les enfants mauritaniens de tout bord commencent l`école avec  les mêmes chances de réussite. Même la dernière réforme du système n`a pas résolu ce problème car tous les enfants commencent avec la seule langue Arabe comme langue d`instruction et que c`est en deuxième année que le français est introduit et les langues nationales PULAAR- SONINKE et WOLOF restent absents dans le système.
L`enfant négro-mauritanien est lésé dès le départ car l`Arabe ne constitue pas sa langue maternelle alors qu`elle l`est pour l`enfant maure et pire encore en deuxième année s`ajoute le français qui est une langue étrangère pour lui et pour l`enfant maure. Par là nous ne voulons pas dire que l`enfant négro-mauritanien ne doit pas apprendre l`Arabe ou être enseigné en Arabe mais nous voulons dire qu`il doit avoir la chance de commencer avec sa langue maternelle comme l`enfant maure commence l’école dans sa langue maternelle durant le cycle fondamental. Il faudra aussi généraliser le préscolaire pour y enseigner nos enfants avant l’âge de scolarisation, le coran et les fondements de l’Islam.
 Il faut qu’une solution durable pour ne pas dire définitive soit trouvée afin d’enterrer les tares et de nombreuses casseroles que nous continuons à trainer soit tous les enfants mauritaniens puissent se comprendre dans une seule et même langue ou chacun comprenne la langue d’autrui. Pourquoi dans les réunions, il faudra utiliser seulement la langue Arabe ou faire recours au Français pour la traduction? Pourquoi chacun ne peut s’exprimer dans sa langue maternelle pour s’adresser au reste et être compris?
Les détracteurs de ces idées diront où la Mauritanie puiserait les ressources humaines et financières pour introduire les langues nationales dans le système en procédant d`abord par former les enseignants, développer le matériel pédagogique et élaborer les programmes ? Je dirai que d`énormes ressources ont été investies dans des sociétés familiales ou tribales sans aucun rendement pour la Mauritanie et que chercher des ressources financières soient locales ou avec les partenaires financiers pour les investir dans l`enseignement de ces langues couterait moins cher que de laisser cette plaie béante.
La réhabilitation de l`école publique pour qu`elle devienne plus républicaine comme jadis quand l`enfant du pauvre et celui du nanti fréquentaient la même école, s`asseyaient sur une même table banc, enseignés par un même enseignant et suivaient un même programme national est la gage de réussite pour nos enfants et par ricochet pour notre pays.
Nous assistons aujourd`hui à une élite issue des enfants des nantis qui sont soit envoyés à l`étranger pour y étudier ou dans des bonnes écoles privées en Mauritanie ou les écoles dites d`excellence pour avoir des bons diplômes et occuper des postes de responsabilités. L`enfant du pauvre est abandonné dans les écoles publiques devenues des lieux de débauche, de délinquance etc….
L’enseignement doit être publique, gratuite et de qualité pour tous les enfants. Avec la démographie scolaire actuelle, même si l’état doit faire recours aux écoles privées pour scolariser tous les enfants, ces écoles publiques qui poussent comme des champignons et qui constituent un manque à manger pour beaucoup d’enseignants doivent avoir des enseignants propres à elles. Comment l’état qui avec les moyens colossaux a formé de très bons enseignants et aujourd’hui les laisse aux mains des commerçants ou certains quittent le métier pour d’autres carrières plus lucratives faute de moyens et valorisation. Pourquoi l’état ne rehausse de façon substantielle les salaires des enseignants pour arrêter cette hémorragie vers les écoles privées ou vers d’autres carrières plus payantes ?

La deuxième chose qu`il faudrait revoir pour sauver notre système éducatif est la pertinence des formations fournies à nos enfants. Les programmes enseignés doivent répondre non seulement au besoin du marché national du travail mais aussi à l`échelle international pour former un mauritanien capable de vendre ses compétences sous d`autres cieux d’où l’enseignement des langues étrangères à partir du secondaire comme des langues d’ouverture. Les programmes doivent être orientées vers les grands pôles de l`économie nationale et que notre université cesse d`être un projet mais un établissement capable de former les étudiants dans le domaine des mines, de l`agriculture, de l`élevage, de pèche, de l`énergie, de la médecines etc… il faudra commencer à investir davantage dans le capital humain, le meilleur des investissements car les compétences des citoyens d’un pays sont les seules à garantir son succès pour accéder au concert des nations.

Une composante non la moindre est d`aller vers la qualité des apprentissages. Il faudra revoir le pilotage du système à haut niveau, mettre les hommes qu`il faut à la place qu`il faut. Investir dans la formation initiale et continue des enseignants et s`inscrivant dans la durée. L`allègement des programmes éducatifs pour ne pas trop surcharger les enfants par là nous évoquons le nombre des matières à enseigner. Des écoles à cycle complets doivent être la règle. Des programmes enseignant la citoyenneté, l`unité nationale, la cohésion, la diversité culturelle et ne pas favoriser une culture sur une autre. Investir davantage dans les cantines scolaires ou internats qui ont contribué jadis à un taux de réussite frôlant les 100% de même que le taux de rétention.
 Mettre l`enseignant dans de bonnes conditions pour ne pas aller chercher le manque à gagner pour arrondir les fins des mois. Impliquer de façon effective la famille  à travers les associations des parents d`élèves. Privilégier et généraliser par la suite le préscolaire et l`éducation de base. Investir davantage dans la formation professionnelle pour accueillir les enfants en déperdition scolaire entre autres…
Un autre point non négligeable est la révision de notre état civil afin que tous les enfants mauritaniens puissent avoir leur premier droit de l’enfant càd avoir un acte de naissance. Ce droit de l’enfant doit être respecté et cela lui ouvrira les portes de l’éducation car un enfant sans acte de naissance est poussé vers la déscolarisation. Il ne faut pas que notre état civil fasse des enfants mauritaniens des apatrides.

C’est avec les recommandations ci-dessus qui sont loin d’être exhaustives que nous arriverons à refonder notre système éducatif loin des tiraillements extrémistes des deux bords et loin des courants idéologiques que nous allons poser les jalons d’un état de droit et d’une justice sociale gage de l’unité nationale et de la cohésion sociale et par ricochet la bonne cohabitation. Cette unité nationale ne serait effective si notre système éducatif continue à être politisé et instrumentalisé par les marchands de la politique politicienne qui ne cherchent qu’à diviser la Mauritanie car leurs compétences ne leur permettent point à élaborer un projet de société commun pour tous les mauritaniens sans distinction de race, ni de couleur, ni d’ethnie.
 L’islam constitue notre socle commun et un acquis pour l’unité nationale mais il ne garantit pas la stabilité dans le pays car nous avons des exemples dans le monde qui ne finissent pas où le pire a eu lieu malgré cette appartenance à cette même religion. Nous ne pouvons pas concrétiser cette unité nationale si notre système éducatif n’est pas unifié, gratuit, équitable, obligatoire, pertinente, durable et de qualité et si notre système éducation continue à renforcer davantage les inégalités sociales.

Nous lançons un appel, un cri d’un cœur meurtri par l’injustice et le tort fait aux mauritaniens par la classe politique. Nous lançons un appel à tous les intellectuels de notre pays d’oser faire preuve de dépassement en se démarquant des politiciens véreux pour éduquer le peuple et pousser les pouvoirs publics à accepter de créer une troisième république ou je dirai la première république où tous  les enfants de toutes les composantes ethniques ont les mêmes chances de réussite dès le départ, s’épanouissent dans leur langue et leur culture, se sentent protégés, jouissent des mêmes droits etc…….

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